Avant-propos

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" Jean-Yves Paugam peint des paysages industriels.  Il ne peint pas l'activité humaine avec ses ouvriers en tenue de chantier, avec ses ports et ses montagnes de containers, avec ses longs convois d'acier de la mondialisation heureuse.  Non, il peint les paysages du monde d'après, après Tchernobyl et Fukushima.  Un monde qui s'est figé, un monde où routes, voies ferrées, usines, cheminées, grues disparaissent dans un brouillard épais.  Un monde où les hommes et les animaux ont fui pour échapper aux radiations; un monde où les liquidateurs se sont sacrifiés, en héros, pour éviter une catastrophe plus grande encore.


L'observateur n'a pas besoin d'explication.  Il est sous le choc, il cherche en vain des traces de vie mais les autres espèces ont disparu avec le cataclysme.  Le soleil a du mal à éclairer la nuit nucléaire.  Les voies de communication ont résisté, quelques bâtiments se dessinent à l'horizon, l'écume blanche des flots lèche les côtes des villes et les brumes sombres enrobent les silhouettes des gratte-ciels.  Le souffle de l'explosion est retombé.  Le chant matinal des oiseaux, les klaxons tumultueux, les cris aigus des enfants; plus aucun bruit ne réveille l'aube désormais.  Le silence et l'absence s'enlacent, là, sous nos yeux, dans la lumière froide.


L'homme fait face à son oeuvre:  la production et la destruction de masse.  L'humanité va délaisser, pour quelques centaines d'années, les terres contaminées.  Notre faim insatiable de marchandises, de biens de consommation a trouvé une limite: notre croyance collective dans notre infaillibilité et notre immortalité.  Jean-Yves Paugam peint les ravages d'une raison technique et économique devenue mortifère; il peint l'image future de notre propre obsolescence.


L'engagement esthétique du peintre fait écho à ses valeurs personnelles.  Après Vence et ses vagues estivales de touristes, l'homme vit, aujourd'hui, en terre aveyronnaise.  Jardiner, bricoler, recueillir des animaux et les soigner: Jean-Yves Paugam construit chaque jour avec Giorgia, sa femme, son arche de Noé.  Mais il ne s'est pas retiré du monde, il a voulu faire ce petit pas, celui qui compte, celui que chacun pourrait oser:  se réconcilier avec la nature et prendre simplement le temps de vivre; ralentir.  L'artiste n'aime pas parler en public; ce n'est pas si grave car sa peinture parle pour lui; mieux que nos mots aussi "



R.






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